Dénoncer une situation de harcèlement, même vivement, ne constitue pas un manquement au devoir de réserve. C’est ce qui ressort d’un arrêt du Conseil d’Etat du 25 septembre 2024.
S’estimant victime d’un harcèlement moral depuis l’annonce de sa relation avec un adjoint au maire, une adjointe administrative territoriale avait adressé au maire et à treize élus municipaux un courriel dans lequel elle dénonçait, en termes vifs, la manière injuste dont elle estimait être traitée. A la suite de ce message, le maire lui a infligé un blâme au motif qu’elle aurait ainsi manqué à son devoir de réserve.
Droit à dénonciation
Pour démontrer qu’elle avait été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral, l’agent a fait notamment état de la dégradation de ses conditions de travail dès lors qu’elle annoncée sa relation avec un adjoint au maire: absence de consignes nécessaires à l’exercice de ses missions et même suppression de certaines de ces missions.
Après sa mutation au service de l’urbanisme, elle était restée pendant plusieurs semaines sans mission ni accès au matériel informatique. Pourtant informée de sa réussite au concours d’adjoint administratif de première classe, la commune a par ailleurs refusé de la nommer sur ce grade. Le maire a également refusé de reconnaître l’imputabilité au service d’un accident dont elle a été victime malgré l’avis favorable de la commission de réforme.
Elle s’est aussi vu refuser, sans justification objective, sa demande de participer aux élections régionales comme secrétaire de bureau de vote, comme elle l’avait déjà fait à plusieurs reprises. Enfin, son avancement au 7ème échelon du grade d’adjoint administratif de deuxième classe n’a été prononcé qu’à l’ancienneté maximale, en dépit de la qualité de ses évaluations. Saisi du pourvoi par l’agent, le Conseil d’Etat a cassé l’arrêt rendu en appel et estimé que ces éléments de fait étaient susceptibles de faire présumer l’existence d’un harcèlement moral.
La Haute juridiction a ensuite indiqué que l’exercice par un fonctionnaire du droit à dénonciation des faits de harcèlement moral dont il est victime ou témoin doit être concilié avec le respect de ses obligations déontologiques, notamment de l’obligation de réserve à laquelle il est tenu et qui leur impose de faire preuve de mesure dans leur expression.
Pour apprécier l’existence d’un manquement à l’obligation de réserve, le juge doit le cas échéant, prendre en compte les agissements de l’administration dont le fonctionnaire s’estime victime ainsi que les conditions dans lesquelles ce dernier a dénoncé les faits, au regard notamment de la teneur des propos tenus, de leurs destinataires et des démarches qu’il aurait préalablement accomplies pour alerter sur sa situation.
En l’espèce, les termes employés dans son message et sa diffusion au-delà de sa seule hiérarchie, doivent être appréciés au-regard de la situation de harcèlement moral que subissait l’intéressée, agent de catégorie C, et de la circonstance d’une part qu’elle avait déjà tenté d’alerter le maire sans succès et d’autre part que les destinataires de son message avaient connaissance de ses difficultés.
Pour la Haute juridiction, les termes de ce message ne caractérisent pas, dans les circonstances de l’espèce, un manquement à son devoir de réserve. Dès lors, la sanction a pu être annulée.
RÉFÉRENCES
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