L' actu
du SNEA
Résumé : Une école de musique associative du Doubs a pour habitude de recruter ses nouveaux enseignants en CDD d’un an, puis de renouveler le contrat en CDI si le salarié donne satisfaction. Le CDD fait ainsi office de « période d’essai » prolongée. Cette pratique est illégale et donne lieu à la requalification du contrat en CDI, comme l’a rappelé le conseil de prud’hommes de Montbéliard dans un jugement du 14 octobre 2021.
En juin 2020, un enseignant de cette école, que nous appellerons B., embauché selon un CDD à temps partiel du 2 septembre 2019 au 31 août 2020, apprend que sa collaboratinon avec l’école ne se poursuivra pas au-delà du 31 août 2021. Il rappelle à son employeur que, son CDD ne comportant pas de définition précise de son motif, celui-ci devait être considéré comme un CDI (c. trav. art. L.1242-1 et L.1242-2). Il lui est répondu que le contrat est tout à fait conforme.
B. initie dès le 22 juin une médiation par l’intermédiaire de la Fédération musicale de Franche-Comté, avec le soutien et en présence de son syndicat (le SNEA), suite à laquelle B. offre à son employeur l’alternative suivante : la poursuite du CDI ou une rupture conventionnelle. L’association reste sur sa position et considère qu’il s’agit d’une fin de CDD ; elle justifie ce non-renouvellement par le fait que « le travail de [B.] au sein de l’école de musique n’a pas permis à l’association d’apprécier le rayonnement de l’enseignement prodigué par [B.] compte-tenu de ses nombreuses absences » (dues à des arrêts maladie et aux confinements) – confirmant ainsi qu’elle a recours au CDD en guise de période d’essai.
Avec l’aide du SNEA et d’un défenseur syndical UNSA, B. fait valoir ses droits au conseil de prud’hommes de Montbéliard.
Le conseil de prud’hommes confirme que « l’un des motifs prévus à l’art. L.1242-2 doit nécessairement figurer dans le contrat conclu avec le salarié. La mention écrite du motif est obligatoire et ne peut pas être compensée par la connaissance que le salarié peut avoir de ce motif ni même par sa réalité. »
• il requalifie la relation contractuelle liant B. et l’association en un CDI à temps partiel à compter du 2/09/2019 ;
• il condamne l’association, en la personne de son représentant légal, à payer à B. :
– 300 € à titre d’indemnité de requalification
– 266 € à titre d’indemnité de préavis
– 266 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive
– 100 € au titre de l’art. 700 du Code de Procédure civile.
• il déboute l’association de l’intégralité de ses demandes
• il condamne l’association aux entiers dépens.
Conclusion : un CDD ne peut en aucun cas servir de période d’essai. Un CDD ne peut être conclu que pour une liste limitative de motifs ; si l’un de ces motifs n’est pas mentionné dans le contrat, celui-ci est réputé être à durée indéterminée.
Si les sommes en jeu étaient faibles au vu de l’ancienneté et du volume horaire, espérons que ce jugement encouragera les nombreux collègues se trouvant dans une situation similaire à faire valoir leurs droits, et les employeurs à renoncer à cette pratique parfaitement illégale.
Rédaction : Jean-François Lagrost